Hôtel Rosas
  
Porvenir (suite)
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Buenos Aires
Porvenir et ses maisons de toutes les couleurs, vertes et roses, jaunes, orange, bleues et mauves, aux toits de tôle rouillés pour la plupart. Beaucoup sont en fin de règne... Nous allons directement à l'hôtel Rosas (bien, 26 000 pesos la chambre double) et le temps de nous installer, le soleil a disparu, laissant place à une température glaciale. Bien au chaud dans la chambre, nous n'avons plus envie de ressortir et attendons en lisant et en écrivant le repas du soir, qui sera hors de prix et franchement pas bon.
Nous longeons l'immense Bahía Inútil et ses eaux gris sombre, crêtées d'écume blanche. Le long de la côte de galets, les cabanons de tôle rouillée se font plus présents.
Depuis un moment ça sent fortement le brûlé et nous nous demandons si ce n'est pas la voiture qui surchauffe, de même que depuis longtemps nous apercevons la pluie qui tombe au loin, en avant de la piste, et nous ne la rattrapons jamais. En fait, les deux sont liés puisqu'il s'agit d'un incendie apparemment important, dégageant une épaisse fumée qu'on prenait pour un nuage de pluie. Le problème se pose maintenant de savoir s'il traverse la piste ou si nous pourrons y échapper... En attendant, le soleil fait désormais quelques timides apparitions et colore l'herbe grise en vert acidulé. Je regrette d'autant plus que l'objectif soit esquinté car le 10-20 ne me sert pas à grand-chose ici, la vue se perd constamment à l'horizon, qu'il soit d'eau ou de terre.
Cent quarante-cinq kilomètres de piste nous séparent maintenant de Porvenir, capitale de la Terre de Feu chilienne, 6 000 habitants. La steppe fuégienne (que l'on appelle à tort pampa, nous les premiers) est gris-bronze sous le ciel chargé, éclairée çà et là par quelques touffes de fleurs jaune pâle et poussiéreuses. Nous espérons que nos enquiquinements vont s'arrêter et que nous n'allons pas crever. Heureusement, il ne pleut pas et le vent a un peu faibli.
La piste, qu'une douanière nous déconseillait de prendre avec un véhicule autre qu'un pick-up, se révèle moins mauvaise que prévu. Bien sûr c'est du ripio (piste de graviers plus ou moins gros, spécial crevaison,  pouvant aller jusqu'au champ de caillasse), mais à condition d'éviter les cailloux pointus qui ne demandent qu'à se précipiter sous les roues de la Corsa, il n'y a pas de problème.
 
Nous roulons depuis un bon moment déjà lorsque tout à coup nous apercevons, au loin, une silhouette qui marche dans le même sens que nous. En arrivant sur elle, nous voyons que c'est un énorme malabar (les Patagons, d'après ce que nous avons vu, sont plutôt petits), avec une carrure de rugbyman, le bonnet enfoncé jusqu'aux yeux et la mine du genre patibulaire, qui nous fait signe de nous arrêter. Une seconde d'hésitation et nous passons tout droit, malgré un fort sentiment de culpabilité... Je dois dire que ni l'un ni l'autre n'avons voulu prendre de risque, perdus au milieu de nulle part, car nous ne comprenions  pas ce que cet homme faisait là, à soixante-cinq kilomètres de Porvenir, alors qu'il n'y avait aucune voiture arrêtée nulle part. Et les conducteurs des deux pick-up chiliens que nous avions croisés peu avant,  habitants probables d'invisibles estancias, ne s'étaient donc pas arrêtés non plus.  Moi j'ai repensé au couple de Français assassinés en Bolivie...
 
Une maison de tôles sur la gauche, un étang et, dessus, une centaine de flamants très très roses. Etrange, en un tel endroit... Je suis terriblement frustrée de ne pouvoir me servir du 17-85 mm. Je fais un essai quand même, au cas où, l'autofocus ne marche plus, donc je suis dans le flou le plus complet, c'est le cas de le dire!
Pour les petits creux, en patientant à la douane
Samedi 27
 
Nuit glaciale, j'ai à peine fermé l'œil.
Ce matin, après quelques allers-retours sur San Martín, à cause de ces sauts de numéros, nous allons chez Hertz récupérer la Chevrolet Corsa Sedan et nous avons la bonne surprise de voir que le coffre est grand et que nous pouvons y ranger tous nos bagages. Ensuite, la carte internationale de téléphone achetée à Buenos Aires n'étant plus valable en Patagonie,  nous entrons dans le locutorio le plus proche pour en acheter une nouvelle. Surprise, une nouvelle fois, car on nous donne... un petit ticket de caisse, sur lequel il faut trier, dans une liste de numéros, les différents codes. Quel système! Et pour ne pas jeter ce petit bout de papier si fragile il va falloir faire très attention. La troisième surprise viendra du fait que nous ne pouvons téléphoner en France d'aucun locutorio d'Ushuaia!
 
Peu après être partis, sur la route n° 3 qui est « bitumée »,  nous recevons une caillasse en plein pare-brise au passage d'un 4 x 4 – ça commence bien –, suivi illico presto, au croisement du premier camion, d'un appel d'air monumental qui projette avec une violence incroyable sur le haut du pare-brise une énorme masse noire, le tout en une fraction de seconde. On a bien cru que tout s'arrêtait là. Après vérification, c'est un long morceau de plastique/caoutchouc, sous le logo Chevrolet à l'avant du capot, qui a été éjecté sous le choc. Du moins c'est ce que nous supposons étant donné qu'il ne reste que les rivets...
 
A San Sebastián, trois maisons, un motel, une station-service et la douane argentine, nous patientons un certain temps car nous arrivons en même temps qu'un car de passagers. Puis quelques kilomètres plus loin, rebelote avec la douane chilienne. A chaque fois, nous avons droit au match de foot diffusé sur un écran de télévision au cas où policiers et douaniers s'endormiraient...
Ushuaia, « End of the world, beginning of everything », dans un autre genre, rappelle San Francisco : on monte ou on descend en permanence. Les photos que nous avions vues de la ville, qui compte quand même près de soixante-trois mille habitants, étaient trompeuses, car elles n'en donnent qu'un minuscule aperçu. C'est le centre qui est constamment photographié, mais les constructions s'étendent loin de part et d'autre, le long du canal de Beagle aux multiples îlots, et grimpent à l'assaut des montagnes qui les dominent. Petites maisons souvent colorées, entourées de jardins, le long de rues calmes et tranquilles dès que l'on s'éloigne de San Martín, le cœur battant d'Ushuaia.
Dès l'arrivée nous avons eu droit à une tempête de neige, au soleil, à la pluie, au grésil. Ici, au moins, la monotonie n'est pas de mise et les changements se font à vitesse grand V. Nous avons passé trois heures à arpenter San Martín et les rues adjacentes. Les numéros n'ont aucune logique; on passe de 238 à 270 par exemple. Ce qui fait que nous avons le plus grand mal à repérer l'agence de location de voitures, au 245... Bon, nous verrons demain. Pour l'instant, nous avons rejoint nos pénates, il fait encore grand jour (à 21 heures) mais nous sommes épuisés. Pourtant nous allons ressortir sur le canal de Beagle, dans le froid glacial. Quelle transition avec Buenos Aires!!
Un immense bateau de croisière est à l'ancre, tous feux allumés, et la lueur cuivrée des projecteurs du quai s'allonge en tremblant sur les eaux couleur de mercure... Près de la berge, des canards paressent silencieusement tandis que nous regardons le ciel rosir à l'horizon de la baie.
J 5 - Vendredi 26 novembre (suite)
 
A El Calafate presque tout le monde descend, mais peu après toutes les places sont à nouveau prises par les gens qui vont soit à Ushuaia, une minorité, soit sur BsAs.
 
Tierra del Fuego, Terre de Feu, ainsi nommée  à cause des feux que maintenaient allumés les Indiens Yaghan et Alakaluf, qui vivaient presque nus sur ces terres fouettées par le vent et la pluie. Pointe extrême de la colonne vertébrale des Amériques.
Nous prenons un taxi privé conduit par une femme  (22 pesos) et nous voilà sur Gobernador Deloqui, au 271, à la Casa Familia de Zaprucki. Vraie petite maison en dur dans le jardin, à gauche cuisine salle à manger, au milieu salle de bains, à droite belle chambre, le tout très propre (60 euros). Nous sommes accueillis par une Mamie très aimable et qui a l'air d'adorer Paris. Peu après c'est sa fille ou sa belle-fille qui frappe à la porte. Elle  nous apporte une bouteille de deux litres d'eau, un pain complet entier, un litre de lait, un paquet de fromage et un autre de jambon plus du beurre et un pot de dulce de leche. Ça fait très panier du Petit Chaperon rouge. Le tout pour le petit déjeuner. En fait nous goûterons avec, et nous mangerons aussi le soir...
 
 
                    D'Ushuaia à Porvenir
          Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent