Arrivés au refuge des Torres, bourré à craquer, nouvelle surprise: nous ne sommes pas au Central mais au Norte, autrement dit pas au nouveau, paraît-il très bien, mais à l'ancien, de mauvaise réputation. Nous avions voulu réserver au Central, il y a deux mois et demi, et on nous avait répondu que tout était plein. C'était bien évidemment faux, surtout au printemps. Nous leur avions demandé s'ils étaient certains qu'il ne leur restait même pas une petite place dans le grenier et là, subitement, il nous avait été proposé de réitérer notre demande un mois avant la date d'arrivée. En fait, ce refuge travaille essentiellement avec des agences de Puerto Natales ou de El Calafate, et propose des packs dont nous ne voulions pas (la nuit nous coûtant déjà, en lits superposés, près de 96 €). Ils préféraient certainement louer à ceux qui leur laisseraient le plus d'argent. Il n'y a aucune concurrence, donc tout est permis. Nous n'avons pas fait attention, lorsque la réponse positive est arrivée, qu'elle concernait le vieux refuge.
Le Norte donne vraiment l'air d'être à l'abandon: la petite salle d'accueil comprend trois tables mais pas assez de chaises pour s'asseoir autour; une grosse poubelle déborde de détritus à côté d'un comptoir qui a dû connaître ses heures de gloire mais est désormais à la retraite; le lino du sol se décolle, les « baños » sentent horriblement mauvais, un mélange de désinfectant et d'urinoirs publics; les chambres ne sont pas chauffées, il n'y a pas d'électricité, juste, dans le couloir, une lampe à gaz à chaque extrémité, allumée seulement jusqu'à 23 heures. Sinon, la chambre de six lits superposés est petite mais banale. En fait, nous n'adorons pas les dortoirs... Tout cela ne nous dérangerait pas si le prix était adapté au manque de confort. Mais 96 €, ça frise l'escroquerie.
Nous montons aux Torres avec un temps complètement bouché, et en en plus il fait un froid sibérien, pas loin du Québec en hiver. Nous sommes pourtant extrêmement couverts, mais la neige qui passe à l'horizontale, fouettée par un vent violent, nous glace le visage. Le sentier traverse d'abord des terres complètement désertes, couvertes d'une petite herbe rase, puis des massifs entiers d'arbustes à floraison rouge vif, superbes, des notros (Embothrium coccineum).