El Chaltén (Laguna Torre)
Sur la route d'El Chaltén
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El Chaltén
Fitz Roy
Trois heures plus tard, nous voici revenus à la voiture qui nous attend au début du chemin, et nous nous fourrons à l'abri, enfin au sec!!
 
Le soir, dîner à El Muro, recommandé par la jeune fille de l'accueil d'Infinito Sur, qui se trouve au départ du sentier du Fitz Roy. Excellent « bifteck argentin » – je prends la demi-part, deux cent cinquante grammes –, mais comme il est servi seul, je commande une purée de papas (pommes de terre). Alain, lui, a envie de goûter les petits pavés de pâtes fourrés au saumon. Bonne idée, ils sont délicieux. La serveuse ressemble étonnamment, en châtain, à Brigitte Bardot. Tout y est: non seulement le physique mais la coiffure avec le bandeau dans les cheveux, la façon de s'habiller. Je lui demande si elle la connaît. Je vois son œil qui s'allume et lui dis qu'elle est son portrait craché. Elle est confuse, « ne peut le croire », « c'est vrai? vous trouvez ? », « oh non! », etc., et court le raconter à la seconde serveuse... en riant aux éclats.
Mais à mon avis elle le savait parfaitement ;-).
 
L'électricité, à El Chaltén, est allumée nuit et jour: lampadaires dans les rues et lampes à l'intérieur. Et pourtant on ne voit aucune éolienne... D'où peut bien provenir la source d'énergie?
Le sol est tellement imbibé que le chemin n'est désormais plus qu'un bourbier, il devient très difficile d'avancer. Par endroits ce n'est qu'une petite tranchée remplie d'eau, creusée dans une étendue inextricable d'arbustes. Nous progressons au-dessus du fossé, les jambes écartées, un pied de chaque côté dans la végétation, et nous commençons à avoir froid, l'humidité s'insinuant partout.
Il est temps de faire demi-tour...
Adesmia boronioides
Potentilles
A l'abri sous un arbre...
Viola reichei Skottsb.
... des violettes jaunes.
Olsynium biflorum
Calceolaria biflora
puis le second mirador d'où l'on pourrait admirer, d'après la table d'orientation, une enfilade de cerros invisibles. Nous continuons, bien que la neige soit très mouillée et que ma veste soi-disant  imperméable achetée à Moab ne me protège plus de grand-chose. Une mare, sur la droite, de très jolis calcéolaires jaunes, capachito ou topa-topa, et des iris blancs veinés de mauve...
Un premier mirador, en face une chute qui dévale la montagne en ne prenant pas la voie la plus directe,
et nous voici dans des « prairies d'herbe courte », des bois de langas (la feuille ressemble à celle du hêtre en miniature, mais pas l'écorce, qui se rapproche plus de celle d'un résineux, surtout lorsqu'ils sont âgés), puis au-dessus du río Fitz Roy.
Tout au bout, une petite montée raide, un panneau,
Mais au-dessus, c'est le côté cour d'El Chaltén. Des maisons posées sur la terre battue et boueuse, pour la plupart minuscules, les unes sur les autres et dans n'importe quel sens, construites de bric et de broc: aggloméré avec des joints de goudron, tôle, brique, beaucoup de courants d'air.
Sinon, tout est très beau dans cet hôtel, bois et pierre mêlés. La chambre est grande et  superbe – mais encore une fois surchauffée, il fait au moins 30 °C! –, la salle de bains aussi.
L'Internet indiqué sur le site est « highspeed » mais en fait en download il y a 0,01 Mo, un record, et en upload... 0,00, avec un ping de 1414s!!!
Nous déambulons dans les rues arpentées par une flopée de randonneurs de toutes nationalités, sous une pluie persistante et un vent toujours aussi violent. Il fait un froid de canard, le vent rugit de plus belle, et je n'ai qu'une hâte: rentrer à l'abri et au chaud. Un tour à l'un des deux supermercados pour acheter des boîtes de thon: il n'y en a pas (ils n'en vendent pas), par contre nous repartons avec le plus gros sac de Chips que nous ayons jamais vu, à faire pâlir un Américain. 600 g!
 


J 18 - Jeudi 9 décembre
 

5 h 30. Est-ce que je rêve encore ou est-ce qu'il n'y a pas de vent? Je regarde derrière le rideau de la fenêtre, rien ne bouge, et la maison biscornue, sur la gauche, est rose bonbon, éclairée par le soleil levant!!
 
7 heures. Le vent s'est levé, en pleine forme après une bonne nuit de repos, et maintenant... il neige! On voit effectivement que dans douze jours c'est l'été...
Au petit déjeuner – très bon: marbré au chocolat maison, plus deux autres gâteaux-pain tout juste sortis du four, dulce de leche, etc. –, on peut apercevoir à travers les baies vitrées le temps empirer de minute en minute. C'est une véritable tempête de neige qui à présent se déchaîne, de gros flocons serrés qui passent à cent à l'heure. Les premières montagnes, visibles il y a encore une heure, ont totalement disparu dans une blancheur cotonneuse. Quant à ce qu'il y a derrière elles, le Fitz Roy et ses voisines, les aiguilles Guillaumet, Mermoz, Val Biois, Poincenot, Juárez et Saint-Exupéry, je ne sais pas si on les verra avant de quitter El Chaltén, après-demain matin. En tout cas, pour le moment, il est impensable de randonner dans ces conditions.
 
12 h 30. Il neige toujours mais moins abondamment et le vent est tombé – heureusement, ça ne tient pas au sol –, aussi nous décidons de sortir et d'aller au moins jusqu'au second mirador sur le chemin de la laguna Torre. Avenida Antonio Rojo, en haut d'un escalier qui escalade la colline, nous avons une autre vue sur le village.
Au fur et à mesure que l’on se rapproche,  le village s'étire dans la vallée en de multiples constructions inachevées, brique, aggloméré ou béton armé, tiges de métal rouillé dressées vers le ciel comme autant de doigts. Le tout a des allures de Canaries et est très inesthétique.
Nous finissons par dénicher Infinito Sur dont nous avions vu la photo sur Internet et que nous croyions accroché à une pente. En fait l'hosteria est coincée sur trois côtés entre de petites bâtisses toutes plus horribles les unes que les autres, béton brut laissant pointer l'armature alors que le rez-de-chaussée est déjà habité, abritant dans leur « jardin » carcasses de voitures et tout un bric-à-brac destiné, on peut le supposer, à construire un étage supplémentaire, voire le toit.
Du balcon de bois du grand salon-salle à manger, nous devrions apercevoir le massif du Fitz Roy, mais aujourd'hui les « larmes des anges » – la neige, comme l'appellent les Indiens du nord du Québec (dixit Jon Kalman Stefansson) – tombent en flocons serrés, occultant aiguilles et tours de granit.
J - 17 Mercredi 8 décembre (suite)
 

La route serpente entre collines noyées de brume, arroyos et río...
          Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent