Sur la route d'El Chaltén
J 17 - Mercredi 8 décembre
J'ai passé une bonne nuit, heureusement car j'étais vraiment fatiguée. C'est Alain, cette fois, qui n'a pas fermé l'œil et qui a eu droit : aux pétards et aux fusées que deux gamins lancent nuit et jour près du locutorio d'à côté (il ne manquait que Doisneau pour les photographier); au 4 x 4 avec pot d'échappement percé que le voisin, assis derrière le volant au milieu de son jardin, fait rugir, lui aussi nuit et jour selon son humeur; à la musique de l'auto-radio...; et au chien de ce même voisin qui est insomniaque et s'en donne à cœur joie.
Nous partons pour El Chaltén après avoir fait quelques courses au supermercado La Anonima. Le ciel s'est couvert et nous craignons le pire pour la suite de la journée.
Le paysage est toujours aussi désertique, mais la proximité des Andes lui donne un peu de relief. A l'est, du côté de la steppe, longue traînée de cumulus blancs comme neige dans le ciel bleu,
à l'ouest tout se mêle dans un horizon gris et cotonneux. Puis voici nos premières badlands, ressemblant fort à leurs cousines américaines de l'Utah, mais moins colorées. Le dôme d'un ancien observatoire, fermé depuis 1943, émerge soudain dans une furtive vision. Nous longeons un temps le río Santa Cruz aux eaux laiteuses, tout droit descendues de l'immense champ de glace qui couvre cette région de l'Amérique du Sud.
Croisons quelques cyclistes chargés comme des baudets, le nez dans leur guidon, qui n'ont même pas l'air de nous voir passer. Je n'aimerais pas être à leur place...
Le long de la ruta 23 qui laisse derrière elle la Ruta 40 pour filer plein ouest vers El Chaltén, village né en 1985 seulement, le paysage, désormais noyé de pluie, devient plus printanier, ici roche sombre et petite herbe rase vert tendre, là éparpillement de fleurs d'or et de touffes d'herbe vert-argent.
Et toujours ces petits sanctuaires...
Végétation typique de la steppe patagonienne: herbes rabougries et petits buissons d'épineux.
Une famille de condors fait la route avec nous, immenses ailes noires barrées de blanc pour les adultes, de marron pour les juvéniles, longues rémiges redressées dans le vent, tête rouge et cou rentré dans les épaules. Ils sont magnifiques! Mais avec le grand angle je ne peux les prendre en photo. Quel dommage! Il y en a six ou sept...
Et puis tout d'un coup, El Chaltén est là, en contrebas, à un kilomètre environ, niché entre deux falaises.
Nous entrons dans le parc toujours cernés par des nuages gris et bas qui nous empêchent de distinguer le relief.
Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent