J 26 - Vendredi 17décembre
 

Nous retenons la chambre, montons nos bagages et repartons pour Puerto Aysén, à 70 km à l'ouest. Les grands lupins bleus ont tout envahi: les prairies, les berges du río, les pans de montagne. L'espèce, comme la jaune, est invasive, mais quel bonheur pour les yeux, et les rayons d'un soleil capricieux en avivent encore les couleurs!!
Puerto Aysén et retour sur l'Argentine
Le paysage a changé du tout au tout. Il est maintenant volcanique, avec de longs cônes basaltiques qui accrochent les nuages, luisants et noirs sous la pluie ininterrompue. Tout est très vert et a un petit air de Pays basque, il y a même des moutons dodus, tout ronds avec leur épaisse toison laineuse sur le dos.
Nous traversons un véritable jardin. L'herbe vert tendre est rase, comme si on venait de la tondre. De chaque côté de la route, d'immenses parois verticales noires recouvertes en partie de feuillus, d'énormes cônes cylindriques qui sont autant d'anciennes cheminées de volcans. On se croirait à Zion.
Puerto Aysén. Dans une rue, un panneau nous intrigue…
Le hic, comme nous l’a fait remarquer Loïc en voyant la photo, c’est que la flèche d’évacuation envoie directement au cœur de la vague géante !... ;-) Bon, erreur d’aiguillage, dira-t-on, il suffira juste, dans la panique, de  rétablir le courant…
 
En fait, la région est traversée par la faille Liquiñe-Ofqui, jonction des plaques sud-américaine, nazca et antarctique. Le 21 avril 2007, un tremblement de terre de 6,2 sur l’échelle de Richter a provoqué un tsunami de plus de six mètres de hauteur, donnant lieu à des glissements de terrain qui eux-mêmes ont entraîné par endroit des vagues de quarante mètres de haut! Quatre personnes sont mortes, six ont disparu…
Retour sur Coihaique...
Les fuchsias de Magellan (Fuchsia magellanica) sont en pleine floraison.
Retour à Coihaique et à la plaza de Armas (les zocalos mexicains). Depuis Porvenir, on sent au Chili l'omniprésence de l'armée y compris dans le moindre petit village. Les rues sont toutes dédiées au sergent Untel ou au colonel Machin, il y a toujours la statue d'un général qui trône en bonne place, les casernes occupent le terrain, les militaires vont et viennent d'un air affairé.
L'hôtel Español change du tout au tout par rapport à hier soir, même si la fenêtre donne sur le couloir, que le tissu de la chaise de style est complètement déchiré et qu'il y a une  grosse tache d'humidité noirâtre à l'aplomb de la tête de lit. Mais le reste est parfait, notamment le lit qui est excellent. Il y a des salons partout avec de profonds et beaux canapés et tout ce qui va avec. Je prends une douche,  lave un peu de linge dans le lavabo dont le bruit de la tuyauterie alerte tout le monde de la cave au grenier et poursuis le carnet. Demain matin il faudra partir de bonne heure pour avaler les 116 km qui nous séparent de Puerto Ingeniero Ibáñez et emprunter la piste de montagne de 100 km pour passer la frontière.
J 27 - Samedi 18
 

Enfin une bonne nuit, veillés par le petit Père Noël... En ouvrant l'œil, je vois par un fenestrou près du plafond que le ciel est gris et qu'il pleuviote.
Déjeuner avec œufs brouillés, miel, yaourts, jus de fruits, etc., dans un décor cent pour cent décoration de Noël.
Nous réglons la chambre (dont le prix est assez original en plus d'être élevé: 42 650 pesos...) et chargeons les bagages dans la Corsa recouverte de terre marron-rouge, qui est restée en exposition devant l’hôtel… Nous n’avions pas vu qu’il y avait un parking sur l’arrière, encombré de 4 x 4 rutilants.
 
Route de Puerto Ingeniero Ibáñez.  Les couleurs sont devenues ternes sous le ciel chargé et les sommets se cachent dans les nuages, mais nous pouvons encore admirer les longues aiguilles de lave qui dominent Coihaique. La route suit longtemps un río et se glisse entre des flancs escarpés sur lesquels s'accrochent des forêts de langas. Un gaucho chevauche tranquillement, emmitouflé dans son poncho de laine, accompagné de ses chiens.
Plus on descend vers le sud plus la végétation se fait rare, et les reliefs se couvrent d'éboulis qui descendent jusqu'au milieu de la chaussée. Heureusement qu'il y a peu de circulation car il faut naviguer d'un côté à l'autre pour les éviter. Il fait 4,5 °C, la pluie maintenant se transforme en neige. Régulièrement le bitume est remplacé par des pavés autobloquants, dans les endroits où les déformations sont trop importantes et continuelles.
 
Puerto Ingeniero Ibáñez, casa des carabineros. Les formalités sont vite expédiées. Le douanier/carabinero rit quand je lui demande si la piste est bonne... Effectivement, pendant une bonne vingtaine de kilomètres, soit jusqu'à la frontière, ce ne sont que caillasse, trous, rochers affleurants, pentes raides avec virages serrés, piste étroite et dérapante. Mais il y a aussi des portions de pavés autobloquants, bien agréables pour reposer les mandibules! Et puis on aperçoit le lac en contrebas, turquoise lorsqu’un fugitif rayon de soleil se pose à la surface, et les Andes enneigées en arrière-plan.
La piste continue de dominer le lac...
Et hop! Un petit filtre pour rattraper un peu une photo complètement sous-exposée...
Les montagnes chiliennes faisant barrage à la pluie, nous nous retrouvons peu à peu en plein désert. Les collines arides moutonnent à l'infini, de temps en temps, le long d'un arroyo, des peupliers d'Italie signalent la présence d'une estancia. Au sommet d'une longue descente sablonneuse, nous apercevons enfin la petite maison blanche de la douane argentine tout droit sortie du désert des Tartares. Perdus au milieu de nulle part, les douaniers – en civil – attendent la prise qui les sortira de l'ennui.
Nous avons droit à une fouille en règle de la voiture, tout y passe: la batterie du Canon et le second objectif sont secoués consciencieusement, la carte-mémoire est sortie de son étui et regardée sous toutes les coutures, les jumelles et le petit disque dur nomade également. La lessive est reniflée avec application, et tout à l'avenant. Le Canon semble intéresser grandement un des deux douaniers qui n'arrête pas de répéter « Canon, Canon », et finit par retourner à l'intérieur – où se trouve Alain, aux prises, lui, si l'on peut dire, avec un jeune douanier frais émoulu qui s'applique à recopier  les informations des passeports en tirant consciencieusement la langue – pour signaler à ses collègues la présence d'« un appareil photo Canon ». Mais ils s'en fichent royalement et lui disent de laisser tomber.
Tout est OK, la prise du siècle ne sera pas encore pour cette fois. Un douanier lève la barrière: à une de ses extrémités, une grosse pierre, à l'autre, une corde. Le douanier décroche la corde, la pierre touche le sol, la barrière est verticale. Lorsqu'on est passés, il tire sur la corde, la barrière revient à l'horizontale, il raccroche la corde et le tour est joué. En attendant ils ne cherchaient ni fruits et légumes ni laitages, car j'avais oublié de finir le lait, ils l'ont vu, j'ai fait l'innocente et leur ai demandé si c'était « prohibido », et ils m'ont répondu que je n'avais qu'à le terminer en route. Ça alors! A un précédent passage de frontière un douanier avait hésité à confisquer le lait en boîte! Heureusement que sa collègue était un peu moins stupide!
 
Côté argentin la piste a des allures de Ruta 40. Toujours le désert, toujours les rares estancias.
Depuis très longtemps, la voiture a perdu sa couleur blanche, elle est marron foncé jusqu'en haut des vitres. Comme on ne voit jamais de station de lavage, on a acheté deux éponges en prévision du cours d'eau providentiellement accessible. Eh bien justement il est là, au-dessous du remblai, sur la gauche de la piste.
Un bassin de décantation?...
Nous sortons les deux Tupperware, achetés en arrivant (toujours très utiles en voyage), qui vont nous servir de bassines et lavons la voiture. On se dit que le premier qui passera nous prendra pour des fous, et tiens, quand on parle du loup..., voilà un camion qui arrive! Deux petits coups de klaxon pour nous dire bonjour et il s'éloigne dans un panache de poussière. Vingt minutes plus tard, on ne reconnaît plus la Corsa!!
Perito Moreno. A l'aller, un dimanche matin sous le soleil, le gros village était animé et pimpant. Aujourd'hui, samedi en fin d'après-midi sous le ciel gris, il est mortissime...
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El fin del mundo ou le Pays du vent