En route pour la Laguna Brava...
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La piste qui monte à la Laguna Brava est extraordinairement belle, c’est un perpétuel lever de soleil sur des sommets rose pâle, anthracite et lie-de-vin. Je suis frustrée car obligée de photographier par la vitre, la poussière et le froid se ruent à l’intérieur dès que je me décide à l’ouvrir, et au bout du compte je rate un nombre incroyable de choses, soit parce que je ne suis pas du bon côté, soit parce que le pick-up a déjà pris un nouveau virage.
Les objectifs sont stabilisés, mais le flou s’invite bien souvent sur les photos…
Tiens, des guanacos! Il y a un moment qu'on n'en avait plus vu, depuis la Patagonie je crois bien. Entre autres caractéristiques, dont la taille, la queue, etc., leur museau sombre les distingue nettement des vigognes.
Vite, vite! (je vais finir par avoir des ampoules à actionner la poignée de la vitre et à la tourner à toute allure dans un sens pour prendre la photo, puis dans l'autre pour empêcher le vent glacial et la poussière de pénétrer à l'intérieur; en tout cas c'est ce qu'on appelle des photos exprès), j'aperçois le cousin du Volcano de Canyonlands, près de Moab, en Utah!
Ah, revoilà les si gracieuses vigognes, occupées à brouter de maigres touffes d'ichus.
Et toujours cet entrelacs de rose, et de pourpre, et de gris sombre, parcouru de marbrures claires comme un fin réseau de veines, étoilé de l'or des ichus.
Quel est cet autre Vinchina, à une demi-heure de la Laguna Brava ?...
La piste entaille le flanc de ces montagnes splendides, désertiques et fouettées par les vents,
Au loin, sur la pente, s'étire... mais oui!... la fine ligne blanche de penitentes de nieve (pénitents de neige)! Julio tourne la tête, ne voit rien de spécial, me jette un regard dans le rétroviseur... Je suis très étonnée, apparemment il ne les connaît pas.
Midi et demi, on arrive sur les rives de la Laguna Brava, à 4230 m. Le froid est polaire, le vent patagon, la lumière transparente. Un flamant de James est là, stoïque, qui prend un bain de pieds et se régale de petites gâteries qu'il trouve dans l'eau salée. Ces flamants sont rares – mais  on les avait déjà photographiés plus au nord, au Chili –, il y a une cinquantaine d'années ils ont bien failli disparaître de la surface de la terre.
... qui abritent pourtant une flore et une faune adaptées aux conditions climatiques. Lors d'un arrêt, Julio, voyant que je m'intéresse à un tapis de plantes minuscules, m'en désigne plusieurs autres, si discrètes qu'on pourrait les confondre avec le sol caillouteux, à l'aspect de velours mais dures et épineuses, de vrais tapis de fakir ! Je n'ai malheureusement pas retenu les noms.
On repart et dix minutes plus tard, nouvel arrêt au bord de la lagune. Il n'y a là rien d'extraordinaire sinon un vent à décorner les bœufs, on descend une seconde, un clic, et on remonte, en attendant de poursuivre. Julio s'étonne. En général, les gens prennent à cet endroit beaucoup de photos, et un doute s'insinue... Surprise... c'est tout ce que l'on verra de la Laguna Brava, alors qu'on est montés ici spécialement pour elle.
 
Tout le monde ressort donc du 4 x 4 et capture l'aile de l'avion accidenté en avril 1966, qui pointe encore vers le ciel... (Il semblerait qu'un avion transportant six personnes et huit chevaux de Copiapo (Chili) à Cordoba (Argentine) ait tenté un atterrissage sur la Laguna Brava à la suite d'une panne de moteur. Les hommes ont été secourus, mais les chevaux sont morts...)
Les estomacs commencent à crier famine, et Julio nous rassure: nous allons bientôt nous arrêter pour pique-niquer. Il se gare près d'une espèce de buron, en fait un reste des refuges construits il y a  environ cent cinquante ans par l'armée de l'inusable général San Martín lors de sa traversée des Andes.
Nous ouvrons une des conserves de poisson à tartiner de la Belle-Iloise, un cadeau de Françoise, comme l'an dernier. Quel régal!! hmmmm... un vrai délice, surtout à cette altitude, et dans un environnement pareil.
 
Julio, une fois son casse-croûte avalé dans le pick-up, s'allonge par terre et tente de séduire un oiseau qu'à mon avis il connaît déjà. Mais aujourd'hui il l'ignore superbement, probablement que son estomac aussi crie famine, et il guette les moindres miettes que l'autre couple de Français pourrait laisser tomber.
Un van arrive avec des touristes qui, comme un seul homme, s'engouffrent dans le refuge et n'en ressortent plus. J'entre pour voir ce qui se passe, il y a dans la voûte une ouverture qui laisse tomber un rai de lumière, et chacun met ses mains en coupe pour se faire photographier. Mais je n'en saurai pas plus car un étourdissement me prend presque aussitôt, comme si j'avais reçu un coup sur la tête. La Française entre alors et ressort, avec les mêmes symptômes, de même qu'Alain, un instant plus tard. Mystère...
Il suffira de quelques minutes pour que ce ne soit plus qu'un souvenir...
Un dernier arrêt près de cette curiosité géologique, une immense pyramide encastrée dans une gangue de stries verticales.
Guanaco
Accueil
Nous buvons tous les quatre régulièrement et je ne vois pas comment je pourrai tenir toute la journée avant de repasser aux toilettes de Vinchina... Je demande donc à Julio de s'arrêter, en profitant de l'abri de rochers en contrebas, face à un virage de la piste totalement déserte, où nous n'avons encore doublé ou croisé personne. Mais c'est sans compter avec la chance qui me caractérise dans ce genre de situation! Voilà qu'un 4 x 4 avec plusieurs personnes à bord déboule justement du virage à une vingtaine de mètres de moi!!! Ça m'a rappelé une autre fois, sur l'île de La Gomera, aux Canaries. Nous randonnions sur un chemin perdu et totalement isolé au-dessus des falaises et, dans la même situation, un homme a surgi au détour du virage sur son vélo, à quelques mètres!!
A Vinchina,  à 109 km de Villa Unión, arrêt toilettes « parce que, après, c’est terminé », nous dit Julio. Nous entrons dans une petite « cantina » qui ouvre spécialement pour nous, traversons la salle de restaurant et rejoignons les poules dans la cour sur l’arrière.
 
40 km plus loin, nous arrivons à Alto Jagüe. Nouvel arrêt pour s'enregistrer auprès des guardaparques.
Flamant de James (Phoenicoparrus jamesi)
... avant d'entamer la redescente.
De Salta à Villa Unión
via San Carlos et Belén
Parc national de Talampaya
  
 
  
Dimanche 28 octobre 2012
 
Julio, le guide de l'agence Runacay de Villa Unión, un Argentin sympathique, moustachu et bien en chair,  vient nous prendre à 8 h 15 pour un retour neuf heures plus tard. Il y a deux Français à l'intérieur du pick-up. En discutant au fil de la journée, nous apprendrons que la femme, très sympa, fait un métier des plus originaux! Ils sont installés dans le nord de la Thaïlande depuis dix-sept ans, soit depuis la retraite de son mari, et par le plus grand des hasards qu'il serait trop long de raconter ici, elle s'est retrouvée, une fois en retraite elle aussi, à faire les costumes de soie des francs-maçons alors qu'elle n'avait auparavant jamais fait de couture!!  
 
Premier arrêt, que nous aurions probablement raté si nous avions été tout seuls. On ne peut d’ailleurs plus aller jusqu’à la laguna (à 4300 m) en solo, car une touriste s’est perdue et en est morte. Ni d’ailleurs y aller en berline. Il faut son propre 4 x 4 et embarquer un des guides du parc. C’est pour cette raison qu’on est passés par une agence. Tarif: 400 pesos par personne sans le repas de midi, plus la propina, bien sûr.
Premier arrêt, donc, pour observer un fossile vandalisé de dinosaure et un étonnant graphisme sur grès, vandalisé lui aussi…
Julio nous dépose aux cabañas. Alain et moi nous sommes creusé la tête pour savoir combien donner de propina.
L'autre couple pense donner 30 pesos, et trouve que 60 pour nous quatre c'est bien. Comme j'en ai 20 de plus dans la main au moment de lui tendre l'argent, je lui donne le tout, 80 pesos. Il a l'air ravi... Tant mieux.
 
Retour à Runacay pour réserver cette fois une randonnée demain à Talampaya – puisqu'on ne peut visiter ce parc qu'en bus (entre 130 et 175 pesos par personne) ou avec un guide –, je suppose qu'il s'agit de Chloé, la Française qui tient l'agence et avec qui j'ai été en contact par mail. Mais elle n'est pas là aujourd'hui non plus, c'est un jeune Argentin très aimable qui nous annonce que puisqu'on a été avec eux à la Laguna Brava, ils nous font une réduction, 80 pesos au lieu de 100. Et puisqu'on ira avec notre propre voiture pour aller dormir ensuite à San Agustin de Vallé Fértil, les guides nous attendront sur place, soit Hugo, soit Luca. 
 
Retour au bercail, des couleurs et des paysages extraordinaires plein la tête... 
Aux alentours de 3000 m, je demande à Julio, que je vois mâcher consciencieusement sa boulette de feuilles de coca, si on peut trouver des feuilles à acheter à Villa Unión. Nous avons bien rapporté plusieurs sachets à Paris, que je comptais innocemment ramener dans leur pays d'origine, mais Alain (d'Etigny) m'en a dissuadée!
Il me répond non, hésite, me demande si je connais « ça », oui je connais, et me passe alors son sac de feuilles. J'en prends quelques-unes que je cale entre la joue et la gencive, et du coup tout le monde fait la même chose. Je les garderai toute la journée en les mâchant régulièrement pour extraire un peu de jus. C'est franchement pas bon mais efficace contre l'altitude.  Pour le moment, Alain et moi n'avons aucun symptôme. D'après Alain (d'Etigny, toujours), le corps garde la mémoire de l'altitude, et c'est vrai que nous nous sommes acclimatés plus vite que l'an passé.
 
Au passage d'un gué, Julio prend ma bouteille vide (mais nous avons un bidon de cinq litres sur le plateau du pick-up) et la remplit d'une eau claire et délicieuse, comme nous le faisions dans le parc Torres del Paine, en Patagonie.
                              Buenos Aires - Valparaiso
Des Chutes d'Iguazu au cœur des Andes, de la côte chilienne à l'Atacama