Au premier plan, une touffe de Chuquiraga aurea en boutons
Chuquiraga aurea [Asteraceae]
Très souvent, dans les petites villes et les villages, les arbres ont la base du tronc peinte en blanc. C'est peut-être pour les protéger des arrosages quotidiens dispensés par les nombreux chiens qui randonnent dans les rues.
J 22 - Lundi 13
Temps superbe aujourd'hui encore. Vent au rendez-vous.
Le « desayuno », je m'y attendais, est comme le reste : limite. Quelques rondelles de pain congelé grillé et caoutchouteux, trois grammes de beurre et dix de confiture. Nous l'avalons vite fait, feuilletons avant de partir les livres de photos de la très grande famille nombreuse des colons belges (mais où sont donc les descendants? La maison aurait-elle été rachetée par des Chiliens?), puis nous plions bagage, direction le départ du ferry afin de réserver notre passage pour le 20 décembre au départ de Puerto Ingeniero Ibañez, sur l'autre rive. Le bureau des réservations est fermé, mais nous apprenons que le ferry circule bien quotidiennement, d'accord, sauf par grand vent... Hier, par exemple, il est resté à quai. Voilà qui remet en cause tout notre programme, car nous prévoyons de redescendre sur Ushuaia en trois jours pour y être le 23. Or si le ferry reste à quai un jour, voire deux, nous raterons Noël avec Françoise et Gérard ainsi que deux jours aux cabañas del Beagle, où nous sommes attendus pour une semaine.
Nous faisons un tour dans Chile Chico avant de reprendre la route pour Cochrane, au sud.
De l'autre côté de la longue route bordée de peupliers, un moyen original d'éviter à sa vieille voiture de finir à la casse...
... il y a une atmosphère particulière, tout est fait à la main, chaque étagère est garnie de crânes d'animaux (pumas, cerfs, renards), ou de peaux, de nids d'oiseaux, d'outils anciens de métal, de frondes pour chasser le guanaco. Des selles de cheval sont rangées dans l'entrée. La « señora » allume vite fait un feu dans le poêle à quelques mètres de notre chambre puis s'éclipse aussitôt après.
Mais je déchante assez vite en voyant la salle de bains, plus que limite. La douche a bien soixante ans, comme la maison, et la pomme de douche a autant de trous dessus que dessous. Le lavabo a un unique robinet d'eau froide et il n'y a pas de savon. Si le prix était deux fois moins élevé, pas de problème. Mais là, il y a de l'abus.
Petit déjeuner prévu à 8 h 30 demain matin, dans la belle salle à manger, remplie, elle aussi, de souvenirs.
Nous ne voyons personne excepté une jeune Indienne assise sur une chaise devant la porte, qui ne nous prête absolument pas attention. Nous lui demandons s'il y a des chambres à louer, visiblement elle n'a pas l'air très claire mais nous répond quand même que « la señora est sur l'arrière ». Effectivement, elle est là (puisqu'elle se lève aussitôt en nous voyant), mais en compagnie d'une tablée de bien trente personnes, plus une vingtaine d'enfants qui jouent par petits groupes sur la pelouse et sous les arbres. On est tombés en pleine fête d'anniversaire. Par contre, les descendants de colons belges ont dû faire leurs valises...
Elle nous fait attendre une bonne dizaine de minutes dehors, on est d'ailleurs sur le point de repartir, puis nous ouvre la porte et nous conduit à notre chambre que nous choisissons « avec salle de bains partagée », donc moins chère (25 000 pesos, soit plus de 40 euros). La « señora » est avenante, mais très vite nous nous apercevons qu'elle est pressée de retourner avec ses invités et souhaite nous laisser au plus tôt.
La chambre est en partie en bois, comme toute la maison,
A l'entrée, sous les arbres, un très grand bateau, dans lequel jouent des enfants.
A Chile Chico, nous prenons une chambre à la Hospederia de la Patagonia, conseillée par le Lonely Planet, juste en face de l'hospederia No me olvides, pour laquelle nous avions hésité. Les deux se trouvent dans la très longue allée de peupliers d'Italie, avant l'entrée du village quand on vient de l'Argentine. (Les Patagons adorent les peupliers, qui se plient avec grâce dans le vent violent, ils sautent apparemment sur la moindre occasion pour en planter. Ce sont leurs girouettes ;-))
L'hospederia est une belle maison basse des années cinquante au toit de tôle jaune d'or, croulant sous la végétation, appartenant, toujours selon le Lonely Planet, à des descendants de colons belges.
Autant Perito Moreno (dont les deux cajeteros – distributeurs – étaient à sec) que Los Antiguos sont de jolis villages, très verdoyants en cette fin de printemps, aux maisons basses et colorées.
Douane argentine, puis douane chilienne avec fouille en règle des bagages pour voir si nous ne passons pas fruits et légumes frais, charcuteries et laitages; les douaniers confisqueront un petit rameau et une herbe séchés...
Nous approchons de Los Antiguos...
Un sanctuaire, taille XXXL, dressé en plein vent au bord du lac.
... et Los Antiguos, est constamment superbe, et le devient encore plus lorsqu'on longe les rives de l'immense lago Buenos Aires (côté argentin) qui s'appelle General Carrera côté chilien, deuxième plus grand lac d'Amérique du Sud après le Titicaca. C'est une véritable mer intérieure bleu intense lacérée d'écume blanche, agitée par un vent déchaîné dont je ne parle même plus, tellement il fait partie de notre quotidien. Nous espérons que passé la barrière des Andes, au Chili, il aura moins de vigueur.
Le paysage, entre Bajo Caracoles et Chile Chico, via Perito Moreno (la petite ville)...
Une quarantaine de kilomètres plus loin, ô surprise, nous retrouvons enfin le bitume, mais colonisé par des milliers de gros criquets grisâtres, mollassons, s'essayant au vol sans y parvenir, pas vraiment engageants, c'est le moins qu'on puisse dire, et craquant désagréablement sous les pneus de la voiture. Situation déjà vécue dans le sud de l'Arizona il y a longtemps, près de la frontière mexicaine, sauf qu'ils étaient bien plus beaux et bien plus vifs...
Nardophyllum bryoides [Asteraceae]
J 21 - Dimanche 12 décembre
La piste démarre assez bien mais devient vite mauvaise, puis très mauvaise. On a nettement l'impression de rouler dans un champ de pierres, et on ne peut dépasser 25 km/h. En compensation, elle est très belle, avec les Andes à l'horizon et la plaine que nous surplombons de virage en virage. Il faut aussi compter avec le vent qui veut à toute force s'emparer de la voiture, je m'accroche au volant depuis plus de trois semaines et j'ai désormais des ampoules aux mains...
Ruta 40
De Bajo Caracoles à Chile Chico (Chili)
Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent