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Caleta Tortel (suite)
De Chile Chico à Cochrane
Au bout de la « route »: Caleta Tortel
Nous voici arrivés: au bout de la route, Caleta Tortel, 512 habitants, suspendue entre le ciel et l'eau, dernier poste avancé sur la mer au fond du golfe de Penas (golfe des Chagrins), et le royaume du cyprès de las Guaitecas...
 
Comme j'ai trouvé peu de photos sur Caleta Tortel dans mes recherches sur Internet, ou alors toujours les mêmes, je vais lui consacrer les deux pages suivantes.
La piste, qui suit toujours le río Baker, est plutôt meilleure que la Carretera Austral, avec par moments de longues lignes droites qui traversent des champs de lances dressées vers le ciel.
Tiens!... des biquettes! D'où sortent-elles?
... parmi lesquelles des Amomyrtus Luma (appelées localement Luma, Cauchao ou Reloncaví), délicates fleurs blanches ressemblant à de l'aubépine, mais avec une flopée de très longues étamines.
Les fruits de cet arbre qui peut atteindre 25 mètres de haut sont comestibles – on en fait de la confiture – et le bois, dur comme du fer, est utilisé comme bois de chauffage. Les fleurs, elles, sont un régal pour nos yeux...
La piste est devenue un véritable jardin (il faut que j'arrête de dire la piste, parce que les Chiliens n'apprécient pas cette dénomination, voire ne la comprennent pas. Pour eux c'est la route, de plus la route principale, la Carretera Austral). La végétation est exubérante, chargée d'une profusion de fleurs...
Deux heures et demie plus tard et encore une fois de nombreux arrêts photo, nous prenons la déviation pour le village de Tortel, vingt kilomètres plus loin, ouverte seulement en 2005, dernière limite nord-sud du Chili par la route! Auparavant, tout se passait par la mer.
On ne risque pas de se tromper, à ce carrefour au milieu de nulle part, car il n'y a pas moins de trois panneaux!
... et des plantes extraordinaires accrochées à une paroi sur laquelle s'écoule une eau cristalline, des Gunnera tinctoria, aux feuilles démesurément grandes pouvant atteindre 2,5 mètres d’envergure et au long bouton floral rougeoyant. A la fois ornementale et comestible, ses tiges se consomment comme celles de la rhubarbe – une autre espèce, Gunnera manicata est d'ailleurs appelée Rhubarbe du Brésil. Sur l'île de Chiloe, on l’introduit dans la cuisson d’un mets typique, les milcaos, sortes de petites galettes de pommes de terre.
Il y a des descentes et des virages qui ne doivent pas être mieux que ceux de la Shafer Trail en Utah, d'autant que les gravillons amassés ici ou là sont extrêmement dérapants. Nous croisons un peu plus de 4 x 4 qu'hier, et rares sont ceux qui freinent à notre passage. A nous de faire attention au pare-brise qui, ne l'oublions pas, a déjà trois impacts!
La végétation est devenue carrément luxuriante, bambous à profusion, Gevuina avellana (de très beaux arbres couverts de longues grappes de fleurs blanches, appelés par les Espagnols « noisetiers du Chili » parce que leurs fruits ressemblent à la noisette commune),
... cascades de fuchsias arborescents (Fuchsia magellanica) aux étoiles rouge sang suspendues sous les branches...
entendons ici ou là chanter un coq, signe d'une présence humaine invisible, les cèdres remplacent peu à peu les langas, les églantiers ont cédé la place aux notros d'El Chaltén et la végétation commence étonnamment (du moins pour nous) à avoir un air tropical, y compris sur les rives du río Baker, qui s'élargit jusqu'à ressembler au río Usumacinto, fleuve frontière entre le Guatemala et le  Mexique: même courant, même largeur, mêmes rives... Ne manquent que les crocodiles et, dans les arbres, les atèles et les singes hurleurs.
Nous longeons le río Baker, qui ne dévoile sa couleur désormais vert céladon que sous les rayons du soleil. Mais alors, quel enchantement!! Nous passons de nombreux ríos, plus ou moins importants, plus ou moins furieux,
« Cochrane se souvient de la visite historique au Chili, le 16 avril 1987, de Jean-Paul II, messager de la vie, pèlerin de la paix, prophète de justice et de vérité. » Bigre!...
... et plus nous avançons, plus les pentes se couvrent de forêts. Nous ne comptons plus les panneaux « peligroso », à 300 mètres, à 200 mètres, à 100 mètres, etc. En fait ce sont soit des montées ou descentes vertigineuses au-dessus des ravins, or la piste est très étroite et sans parapet, soit des virages serrés, soit des travaux avec engins qui prennent la largeur du passage. Des portions sont refaites régulièrement, le sol est littéralement labouré sur une trentaine de centimètres d'épaisseur et il nous faut rouler au milieu, de préférence sans y rester scotchés, lorsque le rouleau compresseur n'est pas encore passé...
Nous n'avons pas croisé une seule berline depuis notre départ de Chile Chico, et nous nous rendons compte que les ouvriers qui travaillent sur la piste sont sidérés de voir une Chevrolet Corsa, de plus conduite par une femme, s'aventurer sur le territoire exclusif des pick-up.
La piste – la Carretera Austral, ou route n° 7, axe principal du nord au sud du Chili – est complètement différente de celle que nous avons faite hier, d'autant que le ciel ce matin est très encombré. Le lago Chacabuco est gris sombre,
J 23 - Mardi 14
 
On est soignés aux petits oignons dans cette hosteria. Après un délicieux petit déjeuner, entre autres gâteau et confitures maison – même le lait est « maison » puisqu'il provient de vaches élevées à deux kilomètres de là –, plus une adresse dans la poche chez une amie de la « signora » à Caleta Tortel, nous voici repartis sur la Carretera Austral, toujours plus bas vers le sud et les fjords du Pacifique.
Au rez-de-chaussée, de même qu'à Chile Chico, un bégonia gigantea comme celui que nous avons à Paris (en bien meilleure santé que ses frères chiliens...).
Ici non plus, ni savon ni serviette, nous commençons à nous dire que pour le savon ça doit être normal, mais nous demandons des serviettes. Il n'y a pas d'eau chaude, il y en aura demain matin. Le chauffage n'est pas allumé – ne pas oublier que c'est l'été, même si les soirées sont fraîches et que la neige s'attarde encore sur les sommets –, mais nous avons quatre épaisses couvertures sur le lit plus une couette!
Nous regardons le soir tomber sur la montagne qui domine Cochrane, et monter un croissant de lune dans le ciel.
20 000 pesos pour une chambre avec salle de bains privée et même, pour la première fois, la télévision (que nous ne regardons jamais). Le plancher craque à chaque pas à réveiller un mort mais elle est bien agréable, au premier étage, avec une vue sur la montagne enneigée et les gouttières les plus originales qu'on ait jamais vues: des chapelets verticaux de bouteilles d'eau en plastique.
Toujours le Lonely Planet sous le bras, nous passons d'abord devant l'hosteria Rubio…, bof…, puis devant la residencial Cero a Cero que nous choisissons, tout en bois et en plein soleil.
J 22 - Lundi 13 décembre (suite)
 
La plaza de Armas de Cochrane et ses arbres mutilés.
          Patagonie australe
El fin del mundo ou le Pays du vent