De fil en aiguille, nous tombons soudain sur Egg Factory que nous pensions dans un tout autre coin de Bisti. Quelle surprise ! C’est justement ce que j’avais le plus envie de voir, mais sans GPS j’en avais abandonné l’idée.
Au nord, le ciel anthracite est parcouru de cumulus puis le soleil se voile définitivement, rendant bien ternes ces formations rocheuses si étonnantes, éparpillées sur le sol, ces scarabées d’un autre temps saisis en pleine marche,
Route longue et chargée jusqu’à Monticello via Cortez. Nous nous arrêtons comme il y a de nombreuses années au National 9 Inn, toujours aussi bien, et nous sommes chanceux car nous avons la dernière chambre.
Retour sur Farmington. Dès l’entrée à gauche nous prenons la 64 West, puis Main Street. La tempête se lève, se déchaîne, il pleut des trombes dans tous les coins de l’horizon.
Ship Rock, si cher à Tony Hillerman – l'auteur bien connu de romans policiers ethnographiques sur la nation navajo –, est magnifique, noyé dans les brumes d’après la pluie.
Le soleil réapparaît lorsque nous arrivons sur le petit parking, et nous en profitons pour pique-niquer tranquillement de quelques tomates et bananes.
Puis nous quittons ces terres de silence et de solitude. Le vent soulève encore des brumes de sable, obligeant des chevaux navajos, le long de la piste, à se regrouper en cercle pour se protéger.
dans un fossé, deux touffes d'herbe verte et soyeuse s'abritent selon les jours du soleil ou du vent.
Nous recevons quelques gouttes de pluie en même temps qu’un vent violent de sable nous mitraille la peau, s’infiltrant partout et nous obligeant à rejoindre le parking, à trois bons quarts d’heure de là. Je prends encore une ou deux photos avant de protéger l'appareil dans le sac à dos. La vue est à 360°.
Tandis qu'un bouquet de Plains Pricklypear (Opuntia polyacantha) trône au milieu d'une étendue désertique de petits cailloux noirs,
Les deux portes de Bisti.
ou en plein retour au nid pour les oiseaux. Sans doute, comme la femme de Loth, désobéissant à l’ordre divin, ont-ils regardé en arrière…
Nous restons en arrêt devant cette main sortie de la glaise qui supporte la tête de quelque animal fabuleux...
Au nord-ouest, le ciel est de plus en plus couvert et nous nous demandons si nous n'allons pas avoir la pluie!
Bisti est le royaume d'un bestiaire fantastique. Une raie manta échouée sur un haut fond...
... voisine avec un crâne de tamanoir...
Il y a par endroits des alignements de tables que l'on croirait faites de la main de l'homme...
Il y a maintenant des champignons partout, des petits, des grands, des minces, des gros, mais tous de la même famille, celle des cèpes, et je ne serais pas plus étonnée que ça de voir dépasser le bonnet d'un Schtroumpf. Peyo était peut-être venu piocher son idée à Bisti...
Très beaux hoodoos crème et orange brûlée. Dans le grès sont incrustés de minuscules morceaux d’une pierre noire et brillante.
Allongées sur le sol, de curieuses sculptures, ressemblant à des mâchoires fossilisées de dinosaure...
Le ciel à l'horizon commence à se couvrir de nuages et il y a dans l'air comme une odeur d'orage.
Nous prenons garde d'avoir toujours à l'esprit la direction de la ligne électrique ou du moins de la petite « vallée » qui mène au parking, à trois quarts d'heure environ d'où nous sommes. Ce n'est pas le moment de se perdre...
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Autour de nous les badlands prennent toutes les formes et toutes les couleurs, de la crème brûlée au rouge carmin en passant par l'argent et l'anthracite.
Ici un château de sable émoussé par la précédente marée...
Là un drôle d'animal, mi-tortue mi-oiseau, prêt au décollage...
Nous passons une première fois l'entrée de la piste, puis revenons sur nos pas. A deux miles, sur la droite, un petit parking. Derrière la barrière, Bisti, le royaume du silence et du vent, des cheminées de fée, des animaux fantastiques et des champignons de pierre... Il règne là une atmosphère étrange...
D’après Photographing the Southwest, il faut prendre plein est et ne jamais perdre de vue la barrière métallique de la réserve, plantée sur les badlands, ce que nous nous appliquons à faire durant un certain temps. Puis nos repères changent et nous mémorisons les sommets alentour et la ligne électrique à l’horizon, du côté de la 371. Le petit Garmin ne veut rien savoir, accroché à la bretelle du sac à dos (c’est décidé, en rentrant nous achèterons un GPS digne de ce nom – ce sera l’Oregon 400t). Un pâle soleil brille dans le ciel bleu clair. Les quelques personnes qui étaient sur le parking sont parties dans une autre direction et nous les apercevons longtemps sur la crête qui surplombe les hoodoos les plus à l’est.
Nous déambulons au hasard des rencontres minérales, toutes plus belles ou étranges les unes que les autres, en gardant un œil sur nos « petits cailloux blancs ».
Déjeuner de muffins et de gaufres.
Scott Avenue et Pinon Street puis Hwy 371, déserte, plein sud. Très vite, en quittant Farmington, la route s’élève dans les badlands avant de rejoindre un immense plateau irrigué en partie par les Navajos (NAPI, Navajo Agriculture Products Industry), ce qui lui donne des airs de Beauce. Le contraste de l’herbe verte et drue et de la terre poussiéreuse est saisissant.
Boucle Salt Lake City - Salt Lake City via Yellowstone