Nous repartons, et très vite débute alors ce qui va s'avérer un calvaire et qui durera toute la journée. Les Chiliens ont eu la riche idée de vouloir refaire la route d'un seul bloc jusqu'au lac, soit une petite soixantaine de kilomètres. Nous arrivons sur le premier « desvio » (« déviation », en l'occurrence voie unique). Une cahute, un employé harnaché comme un cosmonaute à cause de la poussière de la piste soulevée par les camions, un panneau « Pare » (« stop »), au dos duquel est inscrit « Siga » (« avancez »).
Et l'attente commence... Il fait beau, tout le monde a l'air très relax. Les camionneurs coupent leur moteur, nous aussi, et font le tour de leur camion pour voir si tout est en ordre: bâche, chargement, pneus... Devant nous, une famille bolivienne descend de son pick-up, la mère installe ses trois jeunes enfants sur une couverture tandis que le père sort sa grosse boîte de douilles (pour clé à cliquet) et la renverse devant eux, ce qui constitue tout de suite un jeu passionnant : il faut ranger chaque douille dans son logement propre. Un quart d'heure passe, vingt minutes, vingt-cinq minutes... les enfants jouent toujours…
 
Soudain, dans un nuage de poussière, arrivent en face les premiers camions boliviens et pick-up de chantier. La file est interminable... Lorsque tout le monde est enfin passé nous nous apprêtons à démarrer, mais nous avons tout faux! Le trafic étant plus important en provenance de Bolivie, il faut attendre que les camionneurs chiliens grossissent la file de notre côté... :-( L'attente se poursuit... et au total durera près de trois quarts d'heure.
 
Cette fois nous voilà partis pour le lac Chungará – pensons-nous... La piste est mauvaise et par endroits défoncée – tôle très très ondulée, gravier, caillasse et un peu tout ce qu'on veut, y compris une planche cloutée qui n’a pas atterri du « bon » côté, comme les tartines, non, là les clous sont en l’air et on les évite d'extrême justesse. Il faut ajouter les nombreux camions qui roulent comme s’ils étaient sur l’autoroute ou presque, mitraillant généreusement au passage ce qui se trouve à leur portée, et nous obligeant à des écarts constants.
 
Bientôt nous arrivons au poste des gardes, à 4570 m d'altitude. Les passagers d'un van sont occupés à donner des gâteaux à un lama et à un alpaca... No comment...
Sajama.
« Zone d'observation »
De Putre à  Surire
  
Accueil
D'Arica à Putre
Sur le chemin du retour nous reprenons la piste pour Parinacota, au cas où, mais mes lunettes ne sont pas là, il faut que je me fasse une raison.
 
A un « desvio » non gardé nous nous retrouvons nez à nez avec un camion, à un autre, avec un pick-up !!
 
Nous rentrons, exténués, au Terrace Lodge...
 
A peine sommes-nous couchés, que la sarabande commence. Alain tourne et vire, respire avec difficulté, c'est assez impressionnant mais j'essaie de ne pas le montrer. Ce qui est étonnant, c'est que dans la journée il n'y a aucun problème. Les spécialistes du MAM pourront peut-être nous donner la réponse...
Azorella compacta
L’azorella compacta, qui pousse entre 3200 m et 5000 m dans ce coin des Andes regroupant les parties chilienne, bolivienne et argentine, est une plante extraordinaire ! Non seulement elle peut vivre jusqu’à trois mille ans ( !!), mais sa pousse est infiniment lente (de un à deux millimètres chaque année). Les fleurs, hermaphrodites, se serrent les unes contre les autres pour garder la chaleur du jour.
Je ne sais pas pourquoi, tout d’un coup, je me demande où sont mes lunettes de soleil. Je cherche, je cherche, on regarde un peu partout dans la voiture, sous les sièges, etc., et je ne peux que constater que j’ai gagné ma journée en les perdant !! Les paroles de l'ophtalmo me reviennent en mémoire: « Par pitié, jamais au soleil sans vos lunettes!! »
 
Etant donné l’état de la piste et le nombre de camions qui circulent toujours dessus, nous renonçons à aller jusqu’à la frontière bolivienne. Il nous a fallu déjà les trois quarts de la journée pour arriver ici, maintenant il nous faut refaire toute la piste en sens inverse…
En repassant devant les lagunes Cotacotani, je m’arrête pour photographier la très étrange azorella compacta et je tombe sur… le repaire des OVNI !
Au fond à droite, le stratovolcan bolivien Sajama (6542 m).
Le lac Chungará est aussi gris que le ciel, au-dessus. Nous cherchons en vain un éclat émeraude, mais peu importe, ses rives sont si belles, dominées par les volcans chapeautés de neige, arpentées par une multitude d’oiseaux, flamants, foulques, mouettes, sarcelles…
Lagunes de Cotacotani. A droite le volcan Parinacota (6348 m) et derrière lui le Pomerape (6240 m). Ils forment le volcan complexe Nevados de Payachatas.
Le ciel se charge de nuages, ce qui ne présage rien de bon pour admirer les eaux émeraude du lac Chungará… Nous rejoignons la piste principale en empruntant un autre chemin et arrivons peu après aux lagunas de Cotacotani. Un petit air de lac Powell, en modèle réduit ;-) ;-) L’eau rejoint la Bolivie toute proche et le lac Coipasa, via le río Lauca.
Il n'y a pas un chat sur la place ni dans les ruelles adjacentes, comme souvent dans les villages que nous traversons. Pas un chat, pas un chien non plus...
Le village est désert sous le soleil brûlant. Une vieille femme aymara nous interpelle, elle vend des boissons et différentes choses à manger, nous hésitons, à la fois très tentés et réticents, car derrière elle le local est malheureusement d'une saleté repoussante.
 
L'église (du XVIIe siècle, reconstruite au XVIIIe) est comme tant d’autres très belle dans sa simplicité. Blanche, toit de chaume, clocher séparé du corps principal, pierre volcanique rose.
Le petit village de Parinacota a la bonne idée de se trouver à l’écart de la route principale, ce qui nous permet de fuir la poussière – elle s'insinue absolument partout dans la voiture, nous en sommes recouverts, nous en respirons, nous en avalons... – et ces centaines de camions qui foncent vers la Bolivie ou en reviennent.
Nous continuons notre route sur cette longue et vilaine balafre sillonnée par des centaines de camions et ponctuée de « desvios » où il nous faut encore et toujours attendre… lorsqu’ils sont gardés, car bien souvent il n’y a personne pour assurer la sécurité sur ces portions de sens unique, notamment lorsqu’elles ne sont pas très longues.
Aucune berline, aucun 4 x 4, uniquement des pick-up de chantier. J'ai l'œil rivé sur chaque mètre carré à l'avant de la voiture, pour éviter le caillou pointu, le morceau de métal, l'éclat de verre qui pourrait nous faire crever. Et pendant ce temps, à droite et à gauche, les merveilles défilent...
Les vigognes ont un poil incomparablement plus beau que leurs cousines de San Pedro. On voit que la table est autrement meilleure ici!
Nous allons voir le garde de service, car nous avions compris qu'il fallait nous enregistrer; il est en train de lire le journal, affalé sur son siège, et visiblement nous le dérangeons. D’un air excédé, il nous fait un geste de la main pour nous dire de dégager de sous son nez. Très bien... Restons calmes…
Alpaca. Lamas et alpacas, domestiqués, sont souvent décorés de brins de laine rouge.
Viscache des montagnes (Lagidium viscacia).
Ichu (Stipa ichu ou Jarava ichu)
... dont l'ouverture donne sur les étendues couvertes d’ichus – que broutent consciencieusement quelques gracieuses vigognes – et les volcans enneigés (ici, l'horizon est toujours occupé par un ou plusieurs volcans). A l’intérieur, c’est l’heure de la sieste…
Retour à la voiture dans laquelle nous nous engouffrons, toujours aussi transis. Le bâtiment de la Conaf, lui, est fermé (pour tout dire on ne les a pas souvent vus ouverts).
... puis il contourne les grottes...
Le chemin, court, un kilomètre et demi, passe au-dessus de la route, longe un étang sur lequel va et vient une mouette des Andes (Larus serranus ou Chroicocephalus serranus), avec son drôle de masque noir et ses yeux bordés de blanc que, de loin, on croirait bleu clair...
Une vingtaine de mètres plus loin, c’est le domaine des si jolies sarcelles tachetées (Anas flavirostris).
J'en connais une qui ne se doute pas qu'elle est photographiée...
Un arrêt à Las Cuevas (les grottes), pour nous (ré)habituer à l'altitude après ces trois nuits au bord de la mer. Il fait un froid glacial malgré le ciel bleu, le vent se glisse sous nos polaires et nous transperce jusqu'aux os.
Le chemin enjambe un « bofedal », sorte de plaine marécageuse envahie de gros coussins d’herbe entre lesquels glisse toute une faune aviaire. Mais les bofedales, alimentés par l’eau de la fonte des neiges ou l’eau de pluie, sont aussi particulièrement appréciés des vigognes, lamas et alpacas qui viennent brouter là  avec gourmandise pendant la saison sèche (de mai à décembre).
 
Oh! oh ! voici nos premières viscaches, sorte de gros lapins de la famille des chinchillas à queue de chat angora... entourées de petites boules grises qui courent dans tous les sens et se poursuivent : ce sont les bébés viscaches ! Zut, je n’ai justement pas le bon objectif, il est resté dans la voiture…
 
Les viscaches passent une partie de leur temps à bronzer au soleil, à jouer ou à se toiletter. Après ces tâches épuisantes, elles filent faire la sieste à l'ombre d'un rocher.
Verbena gynobasis [Verbenaceae]
Mercredi 2 novembre
 

Mauvaise nuit pour tous les deux, à cause de l'altitude. Mais délicieux petit déjeuner: jus de pêche, yaourt à la vanille, fromage de chèvre frais local, deux sortes de pain et de la brioche, beurre et gelée de mûres, céréales, clémentines... Décidément, c'est une excellente adresse. Flavio (nous avons su son nom par Jean-Charles Dekeyser) est parti tôt à Arica et rentrera le soir avec, entre autres, de l'essence pour remplir le réservoir des clients qui en ont besoin.
 
Aujourd'hui nous partons pour le lac Chungará – considéré comme le plus haut du monde à 4517 mètres –, à une soixantaine de kilomètres par une route que nous pensions goudronnée jusqu'à la frontière bolivienne.
Nous prenons dès le départ, juste à la sortie de Putre, une petite piste sur la gauche indiquée « Chungará », en pensant qu’elle doit éviter tous les virages au-dessus du village. Elle passe par la montagne, tourne et vire, monte et descend, se rétrécit, s’élargit… Pas âme qui vive à l’horizon, juste les sommets, et nous dans les cahots et la poussière… Nous n’en voyons pas la fin et nous commençons à nous demander si nous ne nous sommes pas trompés lorsque nous apercevons, juste au-dessus, la route goudronnée.
 
La lumière est très pure, aucun nuage ne vient la voiler. Nous croisons quelques camions boliviens, doublons quelques camions chiliens... sans nous douter de ce qui nous attend.
            Putre
Parc Lauca, Lac Chungará
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  Nord-Ouest argentin et Nord chilien
D'un océan à l'autre en traversant les Andes