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De Putre au salar de Surire
Les vigognes aux grands yeux noirs broutent avec délicatesse une herbe invisible entre les touffes d'ichus, ou celle des « bofedales », en compagnie parfois de lamas ou d'alpacas. Seule ombre au tableau, la poussière de la piste qui, comme hier – les camions en moins –, est omniprésente, pénètre absolument partout dans la voiture et me fait craindre pour le boîtier et les objectifs. Mais le paysage constamment magnifique fait passer ces désagréments.
Tiens, quand on parle du loup... voilà justement un camion qui traîne son long voile ocre derrière lui...
L'air est d'une transparence que nous n'avons jamais vue nulle part. Au loin, les cônes sombres du Parinacota et du Pomerape accrochent un cordon de nuages.
Nous qui aimons particulièrement les volcans, nous sommes comblés!
Le Parinacota, toujours...
Première incertitude... faut-il prendre à droite ou à gauche?... Une ambulance providentielle, qui arrive par la droite, nous renseignera: les deux côtés sont bons mais à gauche c'est meilleur.
L’horizon est dominé depuis un bon moment par le volcan Guallatire (de l'aymara wallatiri : « lugar de guallatas », autrement « lieu des ouettes des Andes ») et son cône coincé entre deux mamelons, qui lance droit vers le ciel un nuage de vapeur et de gaz. C'est un des volcans les plus actifs du nord du Chili, dont la dernière éruption date de 1960. Cachés derrière lui, le stratovolcan Acotango (6052 m) qui, avec l'Elena Capurata (5990 m) et l'Umarata (5746 m), forme le volcan complexe bolivien Nevados de Quimsachata. Les Aymaras les appellent les Trois Sœurs (Quimsa = trois).
Sous l’immense volcan, bien exposé en cas d’éruption, le petit village de Guallatire (4243 m d'altitude), balayé par le vent, silencieux et désert. Personne du côté de la maison des gardes, c’est l’heure du repas. Nous ralentissons en passant, histoire de voir si quelqu’un va sortir, puis nous partons nous garer près de l’église.
Elle est simple et belle, mais fermée, encore une fois…
Un projet de restauration est en cours. Le problème de ces églises, c’est que les villages sont peu à peu désertés et qu’elles finissent par tomber en ruine.
Au-dessous, un bofedal suit les boucles du río Lauca, la vallée est verdoyante et fait les délices d’un troupeau de lamas et d’alpacas. Il est parfois très difficile de savoir si ce sont les uns ou les autres, et pourtant ils ne se ressemblent pas. Mais les croisements entre un lama mâle et un alpaca femelle donnent les huarizos, ce qui explique certainement la difficulté à en différencier certains.
Nous reprenons la piste sans avoir vu âme qui vive…
Nous sommes toujours à 4200 m. Par moments, le paysage change radicalement, la végétation disparaît, seul l'ichu s'ancre dans le sable et la pierre, résiste et s'arc-boute sous les assauts du vent, essaime vers les sommets.
Il y a de longues parties de tôle ondulée sur lesquelles il faut accélérer, comme sur les pistes de Patagonie ou la Ruta 40, si l'on veut arriver autrement qu'en pièces détachées à Surire. On nous avait dit que la piste était parfaitement indiquée pour le salar (seul Alain d'Etigny nous avait prévenus qu'il fallait faire attention parce qu'il y avait peu d'indications), or jamais aucun panneau ne le mentionne, ce qui promet pour Colchane...
Aidés du GPS, nous finissons subitement par l'apercevoir, dans toute sa blancheur. Une brume de sel court à la surface...
Alpaca. Il n'est pas mignon? :-)
Les trois espèces de flamants cohabitent ici. Par contre nous ne voyons pas la plume d'un seul nandu ou suri, qui ont donné son nom au salar. Ce n'est sans doute pas la bonne saison. Dommage...
A l'extrémité est, nous apercevons deux ou trois baraques dont celle des carabineros à qui nous allons demander l'état de la piste pour Colchane – en espérant qu'ils seront plus aimables que celui de la piste pour Chungará –, et le refuge de la Conaf (qui « gère » le parc, ou plutôt le refuge). Mais une fois sur place, tout est fermé : le refuge on le savait, mais il n'y a pas plus de carabineros pour nous renseigner que de beurre en broche.
Seuls deux ou trois Indiens s'affairent autour d'une estafette. L’un d'eux nous indique que faire et ne pas faire après s'être exclamé : « Houlaaa, c'est la première fois que vous allez faire cette piste?! » avec un air plus que dubitatif. Voilà qui n'est pas fait pour me rassurer. Ce n'est pas la piste qui m'inquiète, mais l'idée de s'égarer et de passer la nuit dans la voiture, sans duvet, à – 10 ou – 15 °. La carte ne lui dit rien, sans doute ne sait-il pas lire, et il nous conseille de nous diriger droit sur les montagnes en face.
Le long de la rive, un peu plus loin en contrebas, on aperçoit des vigognes et des flamants aux longues pattes graciles qui se reflètent dans l'eau sombre. Le temps que je sorte de la voiture avec mille précautions, les vigognes s'enfuient dans le moutonnement de sel et d’herbe blonde.
Nous pique-niquons avec les délicieuses boîtes de « La Belle-Iloise » offertes par Françoise, mais je reste anxieuse, tandis qu'Alain, qui n'a jamais peur de rien, est particulièrement relax.
Les panneaux aux distances comme toujours approximatives se trouvent tous du côté sud...
Et puis, un peu plus loin, nous distinguons au centre de gros camions qui vont et viennent, et d'immenses tas de borax ainsi que de nombreux bâtiments sur sa berge. Nous pensions arriver dans un environnement complètement sauvage...
Le sud du salar n'est pas exploité et retrouve une vie animale.
A 15 heures, nous partons pour la dernière partie de cette journée qui nous a été si difficile à préparer jusqu'au dernier moment. Les avis étaient quasi unanimes sur la difficulté de la faire en berline – le dernier en date étant celui de l'Indien qui nous a renseignés à côté du refuge –, voire même simplement parce que s'il nous arrivait quelque chose, personne ne passerait par là et que les conséquences pourraient alors être catastrophiques.
Jeudi 3
Nous dégustons une nouvelle fois le petit déjeuner, préparons nos affaires, puis Flavio complète le réservoir d'essence avec trente-deux litres et demi. Tout le monde nous ayant déconseillé de prendre la piste en berline, nous posons une fois encore la question au cas où il aurait la bonne idée de nous rassurer, en précisant qu'on a l'habitude des pistes, même en berline... Il regarde la voiture, s'exclame avec un sourire « Ah, c'est une Fiat! » (il est italien), vérifie la garde au sol et nous dit « Pas de problème, en faisant attention vous pouvez aller jusqu'à Colchane ». Ouf!
Avec le bidon de dix-huit litres acheté à Arica, nous voilà parés pour rejoindre Iquique via les 230 km de piste de l'altiplano qui mènent à Colchane.
Avant de payer, je lui raconte que la veille j'ai perdu mes lunettes de soleil, il part, et revient peu après avec une paire que des clients ont oubliée. Quelle chance! Elles vont bien me dépanner ! Nous quittons avec regret le Terrace Lodge et ses propriétaires si accueillants.
La piste A 21 démarre sur celle de Chungará, à l'endroit du premier « desvio », sur la droite. Plutôt que de faire la queue une demi-heure derrière la file de véhicules à l'arrêt, Alain va demander à l'employé responsable du passage si l'on peut doubler pour partir sur Surire. Il est d'accord. Nous laissons tout le monde derrière nous et filons sur cette belle piste presque déserte.
Nord-Ouest argentin et Nord chilien
D'un océan à l'autre en traversant les Andes