J 4 - Jeudi 25
J'ai été boulottée par un moustique invisible, durant la nuit, mais haut de gamme... J'ai l'avant-bras droit tout enflé...
Normalement, aujourd'hui on devait aller à Colonia, en Uruguay. Mais le prix de la traversée aller-retour du Río de la Plata (170 euros), ajouté au nombre d'heures passées sur l'eau (plus de six heures) pour le peu de temps sur place (quatre heures), nous a découragés. Une autre fois, peut-être.
En face de l'appartement il y a un magasin de fruits et légumes. Entre les dragueurs (les Argentins ont l'air très dragueurs) et les pas aimables, on est servis... On est accueillis par des clins d'œil appuyés (moi) ou par une mine de dix pieds de long (Alain). Les fruits, eux non plus, ne sont pas avenants, mais hier on a quand même acheté quelques mandarines sucrées et bourrées de pépins. Ce matin, j'ai observé depuis le balcon des vendeurs entasser des dizaines et des dizaines de cagettes, la moitié vides et l'autre pleines de tomates, oignons, salades, et de tas d'autres légumes ou fruits. Et depuis une vingtaine de minutes, j'entendais un bruit incessant sous les fenêtres, je regarde et je vois que ce sont les éboueurs qui jettent dans le broyeur le contenu de toutes les cagettes. Quel gâchis! Il n'y a aucune récupération (et apparemment non plus aucun tri de poubelles dans les immeubles). Je n'ai vu personne venir récupérer ce qui était bon à manger...
J'ai mis le Canon dans mon petit sac et nous sommes partis comme des voleurs faire des photos des flamboyants devant le très beau Museo del patrimonio de aguas argentinas, sur l'avenida Córdoba. Au retour nous avons croisé Jorge, le gardien de l'immeuble, qui nous a présentés au chauffeur de taxi qui nous amènera demain matin à l'aéroport. Un petit pépé bien sympa qui a « toute sa confiance ». C'est une sécurité parce que, apparemment, chez les chauffeurs de taxi, on trouve de tout. Herge, sur son site, fait le rappel des réjouissances:
Par la même occasion, on lui a dit qu'on comptait aller au parque Lezama, au sud de San Telmo, et il a proposé de nous appeler un radio-taxi « Premium » (écrit sur la porte arrière), taxis totalement sûrs d'après lui. Je lui ai demandé ce qu'il pensait d'emporter le Canon et il n'a pas hésité une seconde, il a ri et s'est écrié: « No! No! NOOO!!! »
Vingt minutes plus tard on était arrivés, pour environ 6 euros.
Le parc est petit mais avec de nombreuses essences d'arbres inconnues de moi, étranges et belles, l'une avec des racines comme celles des fromagers, une autre à pied d'éléphant géant, certaines, de drôles de conifères mi-séquoias mi-araucarias, le tout plutôt du genre pleureur, bourrées de perruches vertes (Conure de Patagonie [Cyanoliseus patagonus]) en train de faire leur nid. De ses hauteurs on a une vue sur l'église orthodoxe russe et ses dômes bleu et or... qui sentent un peu son Las Vegas.
Puis nous avons déambulé dans les petites rues de San Telmo, ancien quartier des marins, ainsi nommé à cause du dominicain Pedro González Telmo, bordées d'anciennes demeures coloniales qui ont vécu leurs plus belles heures il y a bien longtemps. En 1871, les riches familles qui les habitaient les ont laissées derrière elles avec l'épidémie de fièvre jaune. Décrépitude, oui, mais avec un reste d'élégance. Aujourd'hui tous les établissements de tango se concentrent dans son périmètre.
Un détail renseigne sur la sécurité du quartier qui n'est pas loin de la Boca, ce sont les épaisses barres de fer et grilles en tout genre qui protègent absolument toutes les ouvertures au moins jusqu'au premier étage!
Dans la rue en pente, trois antiques bus de la ligne 213 se suivent... N'étant apparemment même plus bons pour la casse, ils ont rempilé!
Un tour à la Galeria de la Defensa, qui date des années 1880 et était la résidence de la famille Ezeiza, désormais remplie de vieilles choses à vendre, vêtements, gants, vaisselle, bric-à-brac..., un autre au Mercado San Telmo pour trouver un maillot de foot argentin à Loïc (bredouilles) et nous empruntons, à pied et toujours au pas de charge, le chemin du retour.
L'envie nous prend soudain de faire un stop avant de mourir asphyxiés, aussi nous entrons manger une bricole dans un café-resto. Le serveur qui s'occupe de nous, la soixantaine très militaire, est absolument odieux! Bonjour l'hospitalité et la gentillesse argentines! Pour l'instant nous ne les avons rencontrées que chez le portier du Café Tortoni et chez le gardien de l'immeuble d'Herge. Au moment de partir, je me lève et je sens un doigt qui s'enfonce dans mes côtes, c'est le serveur qui me pousse pour se précipiter devant nous et nous ouvrir la porte. Je n'en reviens pas et le gratifie d'un Gracias! étonné mais poli. Oui, sauf qu'Alain, qui me suivait et a tout vu, me fait remarquer que ces ronds de jambe étaient destinés au gros personnage suant et soufflant qui sortait derrière nous et que le serveur avait même l'air mécontent que nous soyons passés les premiers. Mince, alors!! Et dire que je l'ai remercié!!
Sur le chemin du retour, nous passons devant un très joli petit salon de coiffure...